Les piranhas envahiront-ils nos rivières ?
Quelques journaux se sont fait lécho de la capture dun piranha de 40 cm et dun kilogramme à Saint Firmin (Saône-et-Loire), dans une retenue pour lalimentation en eau potable de 68 ha, qui plus est située dans un secteur Natura 2000, samedi 25 juin dernier. |
Je partage lavis du scientifique du Muséum qui a identifié le spécimen concernant lorigine de ce poisson. Mais je trouve quil convient de développer un peu cette nouvelle !
Dabord, il faut relativiser lévénement. Je me rappelle une photo dun garde-pêche de lAude dans VSD tenant exactement le même poisson, il y a une dizaine dannée. Je me souviens également dune capture dans la Garonne encore quelques années auparavant.
Il y a des cichlidés dans lOise en aval de la centrale thermique de Boran-Sur-Oise, des guppys on été capturés dans la Moselle.
Doù viennent ces poissons ? En fait des aquariophiles nont pas le cur de tuer leurs poissons lors dun déménagement ou de la réfection de leur bac ou encore parce quen grandissant ces poissons deviennent trop envahissant ou trop agressifs, alors ils les relâchent dans la nature pensant leur offrir une chance. Heureusement cette chance, ces animaux tropicaux ne lont presque jamais. Ce sont des animaux à sang froid qui ne peuvent survivre à la rigueur de nos hivers.
Et heureusement !
En effet, il est impossible de prévoir les modifications de lécosystème que lintroduction dune espèce peut induire. Peut-être avez-vous vu le documentaire « le cauchemar de Darwin », qui explique comment lintroduction de la perche du Nil dans le lac victoria est responsable à la fois de la disparition de centaines despèces de poissons endémiques de ce joyau de la biodiversité et dune crise économique scandaleuse pour les populations autochtones.
Larrivé dune nouvelle espèce dans un milieux en équilibre depuis des millions dannées a toujours un impact. Les proies consommées par lintruse ne sont pas adaptées à ce nouveau prédateur et sont longtemps sans défenses devant elle. Souvent la nouvelle espèce na pas de prédateur pour réguler ses populations. Enfin il faut aussi compter sur les agents pathogènes qui arrivent avec elle et qui peuvent se transmettre aux espèces autochtones sans immunité adaptée (souvenez vous des indiens dAmérique).
Il faut parfois de nombreuses années pour quun nouvel équilibre se crée.
Cela peut-il arriver en France ?
Cela arrive régulièrement en France !
Le sandre, introduit par les pêcheurs dans la plupart des cours deau, a concurrencé le brochet déjà en difficulté par la disparition des ses frayères (des prairies inondables) suite aux drainages agricoles, à la construction de digues et de barrages écrêteurs de crues, ou au canalisation des rivières pour permettre la navigation. Vu que le sandre consomme les mêmes proies que le brochet, cétait prévisible. Ce qui létait moins, cest que le sandre apporterait avec lui la bucéphalose larvaire qui a décimé ces mêmes proies. Il a fallu une trentaine dannée pour quun nouvel équilibre se crée dans les cours deau.
Les écrevisses françaises déjà rendues vulnérables par lusage des pesticides et la destruction de leur habitat (les ruisseaux de tête de bassin) suite aux drainages ou aux remembrements agricoles (les cours deau étaient détournés pour suivre les limites de parcelles) ont disparu de nombreuses régions. Des écrevisses « américaines » introduites par des astaciculteurs (éleveurs décrevisses) ont apporté la peste des écrevisses. Nos pattes blanches ny survivent pas
Ce ne sont pas des cas isolés ! Le bassin de la Seine abrite aujourdhui 46 espèces de poissons. Si 7 espèces de lichtyofaune originelle ont disparu de ce bassin suites aux interventions humaines (en fait toutes les espèces migratrices : saumon, truite de mer, les 2 espèces aloses, esturgeon, lamproie fluviatile et lamproie marine), près de la moitié des espèces actuellement présentes ne sont pas originaires du bassin (grémille, hotu, carpe, barbeau, sandre, ombre, silure, toxostome, poisson chat, perche soleil, truite arc-en-ciel, black-bass, ) et sont présentes suite à des interventions humaines.
Et ce nest pas fini ! Aujourdhui, on craint lexpansion de la grenouille taureau introduite en Gironde. Dans le delta du Pô en Italie, elle est responsable de la disparition des grenouilles autochtones. Des plantes aquatiques colonisent actuellement nos cours deau ou leurs berges. La jussie ou la renoué du japon transforment en désert des milieux au potentiel exceptionnel. Certains de nos cours deau pourraient en souffrir autant que la Méditerranée souffre de la tristement célèbre Caulerpa taxifolia.
La brème du Danube, l'Aspe ou encore la Wimbe colonisent depuis le Danube via les canaux les cours d'eau de l'Est de la France.
Enfin et cela me semble fondamental, le réchauffement de la planète va favoriser la survie de ces espèces. En 30 ans la température moyenne en France a augmenté d1°C, y compris la température moyenne des cours deau. Cela va contribuer à augmenter les chances de survie des espèces tropicales. La tortue de Floride en sera sans doute la première bénéficiaire. La cistude dEurope en disparaîtra peut-être.
Le piranha en profitera til ?